TÉMOIGNAGE DE CLAIRE : BÉNÉVOLE À JRS WELCOME


Bonsoir à toutes, et à tous,

Je suis à JRS Welcome depuis plus de 7 ans où j’ai participé à la création de l’antenne de Tours. Je suis dans l’équipe de coordination (en train de passer le relais du coordo central à Jean-Noël). Je suis aussi accueillante avec mon mari et accompagnatrice de remplacement.

Je viens vous partager mon apprentissage permanent dans Welcome, revisiter sans cesse, ajuster avec des variables différentes pour chaque accueilli.

 

La relation d’aide : je suis tombée dans la marmite à la naissance. Une mère très malade, une sœur et un frère ainés ayant chacun un lourd handicap mental. Je dois dire que mon entourage n’a eu de cesse de me conforter dans ce rôle.

Avec le temps, l’expérience de vie, les rencontres, la réflexion, les études, les lectures j’ai pu un peu mieux comprendre et travailler cette relation, voir comment je pouvais m’y situer.

Jean-Guilhem Xerri définit la relation d’aide ainsi : « faire pour / faire avec / se laisser faire par ».

Je me permets de faire un pas de côté. Car le « faire » je me suis précipitée dessus, fourvoyer, anticiper les besoins, savoir à la place de, faire pour aller plus vite, faire pour se sentir utile, voire exister.

Je dirai aujourd’hui que je préfère la notion de compagnonnage dans le sens de compagnon « partager le pain » – accompagner à pour moi plus de sens avec cette définition, qui m’anime et que j’essaie de vivre : être là, être avec.

C’est d’autant vrai pour moi avec les accueillis. Je pense que c’est le plus juste positionnement avec des adultes traumatisés par la vie, la traversée, éprouvés physiquement et psychiquement. Ils n’ont pas eu besoin de moi pour piloter leur vie, prendre des décisions, décider, s’orienter, se renseigner, avancer pour arriver jusqu’à nous.

Être là, être avec : seulement pour redonner à l’accueilli la dignité inconditionnelle. Le « reco-naître » pour qu’elle, qu’il puisse naître de nouveau. « Le partage du pain comme du bol de lait chaud », je l’ai expérimenté plusieurs fois – là il n’y a pas lieu de faire mais d’offrir le cadeau d’une présence réconfortante.

J’effectue le transfert d’une femme entre le premier et deuxième accueil, ses larmes sont inconsolables. En plus, la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) pointe son nez dans 3 semaines, que dire ? Faire, encore moins. Une main sur l’épaule, le partage d’un silence, la compassion.

« Tu me préviens si tu rentres tard, car moi, je m’inquiète » : j’ai souvent vu des réactions étonnées, car il y a bien longtemps que quelqu’un s’est inquiété pour elle, pour lui. Lui montrer qu’elle compte maintenant pour moi. Je ne veux pas savoir où elle est, ni avec qui mais savoir que tout va bien pour elle dans la nuit.

Être là, être avec : Marie-Madeleine vient d’un long périple de plusieurs années terribles, elle connait les rues de Tours pour y dormir et arrive en premier accueil à la maison. La chambre, le lit où pendant 3 jours elle n’en sortira pratiquement pas. Je m’inquiète « respire-t-elle encore ? ». Je frappe à sa porte pour entendre quelques mots, me rassurer. Je lui dis que je lui laisse sur une table de quoi manger et boire – je ne jugeais pas. « Faire plus » que d’être là , être avec,  derrière la porte.

Le pilote c’est elle, c’est lui ; moi je suis assise à côté avec quelques indicateurs à offrir à la demande, je suis co-pilote dans une relation en égalité d’estime.

Irène a fait des études niveau master 2 au pays. Elle exprime le souhait de continuer à l’université de Tours. Avec l’équipe, nous trouvons à la faculté un parcours passerelle pour y entrer. Nous lui présentons ce projet pour qu’elle fasse les démarches. Mais elle n’en fera rien au printemps dernier. Il lui faut du temps pour se remettre debout, pour pouvoir avancer. À l’automne, elle est prête et rentre en janvier dans ce dispositif.

Être là, être avec mais ne pas être « béni oui oui ». Savoir dire non pour respecter chacun. Le cadre est là pour cela.

Responsable du planning, j’échange avec Tina sur son prochain hébergement à 25km de Tours. Il faut prendre le train (que nous prendrons en charge). Tina se met en colère, les portes claquent,  elle me fait la tête… Je lui explique fermement que, pour le moment, je n’ai pas d’autres solutions et si elle le souhaite, elle peut quitter Welcome.  En fait, elle a été ravie de son accueil dans la campagne tourangelle ; et cet épisode nous a permis d’en rire ensuite. L’humour est une constante dans ce compagnonnage, rire pour mettre de la distance, montrer aussi une connivence.

Être là, être avec pour créer des liens, non ceux qui attachent mais qui unissent, relient. Cette relation doit être une fabrique de liens qui libèrent, pour avancer.

Ne pas oublier que nous leur offrons seulement « un temps de répit », leur montrer à tous qu’ils sont dignes et dignes de confiance.

Après une première nuit à la maison, Binéta me dit « cela me donne de la force ». Elle a bien compris notre mission à Welcome, redonner des forces.

La panoplie essentielle pour vivre cette relation d’aide ; un travail d’équipe, oui un travail, prendre le temps d’échanger avec les membres de l’équipe, réfléchir, prendre la bonne proximité affective, discerner.

Cette relation d’aide enrichit ma vie. La solidarité qui m’anime me rend solide car mes valeurs ont des visages. Mais il me faut des moments de solitude, d’amitié dans des relations égalitaires de droits et d’espoirs de vie.

Ces personnes déplacées de force me déplacent, c’est une mise au monde.

Prendre le temps pour moi de me ressourcer, pour ne pas tarir et rester vigilante à mes préjugés.

Et puis les « après-Welcome », certaines de ces relations deviennent entraide où nous sommes interpellés. « Il y a longtemps que je n’ai pas eu de vos nouvelles, comment ça va la famille », « Vous êtes ma famille Welcome, » « Quand j’aurai un appartement je serai accueillante Welcome ».

J’en prends à perpétuité : pour l’apprentissage à cette relation, c’est une belle école d’humilité, de découvertes de l’humanité, des forces de vie inépuisables qui m’émerveillent.

Merci à vous d’être là. Ensemble,  pouvoir comme ce soir échanger, se retrouver, dans des valeurs communes qui me sont si chères et qui continuent à me construire.

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Claire, le 6 février 2024

Bénévole à JRS Welcome

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