Qu’avons-nous fait du droit d’asile ?

Pour réfléchir sur les violences qu’autorise l’usage des lois concernant l’accès à l’asile, Véronique Albanel et Michel Croc ont écrit un article pour le journal La Croix. A méditer.

La France n’a cessé, depuis 1793, de réaffirmer son attachement au droit d’asile inscrit dans la Constitution de 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 affirme que les êtres humains, sans distinction, doivent jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et ajoute : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».

Les motifs avancés pour restreindre le droit d’asile sont nombreux mais leur légitimité repose, le plus souvent, sur les seules statistiques des services du ministère. La France, patrie des droits de l’homme, reste, paraît-il, généreuse : elle prend sa part, elle accueille plus que les autres. Or ce discours ne dissimule plus la violence résolue d’une politique d’exclusion à l’égard des étrangers, la violence d’une loi qui l’organise et la banalise. Ce que les statistiques ne disent pas, ce sont les traques policières brutales, les mesures indignes de séparation des familles, les discriminations ciblées, les lenteurs administratives, les humiliations incessantes. Ce que les statistiques taisent, c’est la marginalisation volontaire et systématique d’hommes et de femmes tout à fait sains, que l’on détruit sciemment jour après jour. Telle est aujourd’hui la violence la plus scandaleuse, parce que dissimulée et cautionnée par la loi, et renforcée par sa mise en œuvre.

Trois exemples : tout réfugié doit déposer une demande d’asile, et ceci le plus rapidement possible ; alors, pourquoi une préfecture de police vient-elle de mettre en place un système de convocation en trois étapes, qui fait qu’un réfugié, entré en France en août dernier, a été convoqué le 9 septembre, le 20 octobre et le 19 décembre, et qu’en attendant il est privé de toute protection sociale ? Comment en est-on arrivé à ce que des réfugiés se brûlent le bout des doigts avant d’entrer en France pour que la police ne puisse les identifier dès la frontière et les renvoyer directement dans le pays qu’ils ont fui ? Pourquoi l’administration vient-elle d’adopter une circulaire refusant, par principe, l’asile à ceux que le désir d’être accueillis en France a poussés à une telle extrémité ?

Ces violences faites aux étrangers ne peuvent nous laisser indifférents : parce que, sur terre, nous sommes tous des migrants et des voyageurs, et demain, plus encore qu’hier. Nos enfants et petits-enfants seront peut-être à leur tour des exilés, loin de chez eux. Seront-ils traités avec autant de violence par les pays qui les accueilleront ? Il en va de l’avenir de la France et de l’Europe. Gardons présent  le message de la Bible : « Tu ne maltraiteras point l’immigré qui réside chez toi, tu ne l’opprimeras point, car vous étiez vous-mêmes des immigrés » (Ex 22, 20), et vous le serez encore demain.

Ce destin n’est pourtant pas inéluctable : s’il est nécessaire que la loi et sa mise en œuvre soient revues pour que l’inhumain cesse, il est urgent de sauvegarder l’humanité des personnes en danger.

À l’appel du réseau Welcome, lancé par JRS depuis deux ans dans diverses villes de notre pays, des familles se sont senties appelées à offrir l’hospitalité à des demandeurs d’asile, pour un temps bref. Les bienfaits reçus par ceux qui sont accueillis et ceux qui accueillent réchauffent les cœurs et ouvrent la voie possible d’un asile intelligent et juste.

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