Exercer son métier en France : les conseils d’un neurochirurgien réfugié

Mon parcours en bref

  1. Arrivée en France en 2018
  2. Reconnaissance du statut de réfugié en 2019
  3. Cours de français au sein du programme ONE STEP
  4. Passage des EVC et réussite
  5. Poste de faisant fonction d’interne (FFI)
  6. Naturalisé français en 2023 et poste de neurochirurgien au CHU de Rennes

Le saviez-vous ? 

Les épreuves de vérification des connaissances (EVC) sont la première étape de la procédure d’autorisation d’exercice pour les praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un état non membre de l’Union européenne ou ne faisant pas partie de l’accord sur l’Espace économique européen.

Mon histoire

Monsieur S, originaire du Yémen, arrivé en France en 2018, neurochirurgien au CHU de Rennes.

J’ai 39 ans et je suis originaire du Yémen.

Je suis arrivé en France en fin 2018, j’ai obtenu le statut de réfugié en 2019, et je viens d’être naturalisé français en 2023.

J’ai obtenu mon bac en 2002 ainsi qu’une bourse pour faire mes études de médecine en Algérie. J’ai eu le diplôme de médecine en 2011 et j’ai fait la spécialité de neurochirurgie que j’ai finie en 2018.

Je ne peux pas retourner au Yémen depuis 2013 à cause de la guerre civile.

En 2018, ma famille m’a dit que je ne pouvais pas rentrer au Yémen et ma carte d’étudiante a expiré comme je n’ai pas obtenu de poste en Algérie. J’ai été obligé de quitter le territoire.

Comme je suis déjà venu en France plusieurs fois, j’ai décidé d’y retourner.

En attendant d’avoir mon statut de réfugié, j’en ai profité pour apprendre la langue française. Quand je suis arrivé en France, je ne connaissais pas les lois, je ne connaissais rien. J’ai essayé de faire l’équivalence de diplôme sur le site ENIC-NARIC et ils m’ont répondu quelques semaines après que pour les diplômes médicaux, ils n’avaient pas le droit de faire cette équivalence, il fallait passer par une autre plateforme. Pour un diplôme non européen, il faut passer un concours pour exercer en France, les EVC. Il a lieu une fois par an, soit en octobre ou novembre, et les inscriptions se font en avril ou en mai.

Quand j’apprenais le français dans un programme qui s’appelle One Step à Sciences Po (programme qui n’existe plus), j’ai rencontré un réfugié syrien qui est pharmacien et qui m’a donné par hasard une page Facebook pour les médecins qui travaillent en France. C’est là que j’ai appris que je pouvais travailler avec une autorisation temporaire en attendant de passer l’examen.

J’ai pratiquement perdu une année pour préparer cet examen, et heureusement que je suis passé. Si j’avais eu cette information, j’aurais postulé d’emblée.

En France, on a le droit de travailler comme praticien associé mais comme je suis chirurgien, c’est quand même risqué. J’ai donc commencé en tant que FFI (Faisant fonction d’interne), et une fois que j’ai gagné la confiance de l’équipe et du service, j’ai changé mon statut.

Travailler comme FFI c’est comme être un apprenti en train d’être formé. Notre travail c’est beaucoup plus de voir les patients, faire l’examen clinique, l’aide opératoire et les consultations de suivi des malades. En tant que FFI, on a le salaire de base.

Le plus difficile pour moi, ça a été le manque d’informations. Je ne connaissais pas les lois et il n’y avait pas d’associations. Heureusement qu’il y a internet.

Maintenant qu’il y a JRS France ça va être plus facile. En plus comme il y a un manque de médecins, les personnes se font embaucher plus vite.

Pour mon travail aujourd’hui, ce qui est différent c’est qu’en France, tout est informatisé. J’ai pris deux ou trois semaines à m’habituer au système informatique, et ça change d’un établissement à un autre.

Pour le reste, c’est à peu près pareil qu’en Algérie. En France, ce qui est dur ce sont les heures de travail, on travaille au moins 50 heures par semaine, c’est vraiment fatigant.

Les conseils que je donnerai c’est d’améliorer son français, et une fois que l’on maitrise la langue française, il faut commencer rapidement à chercher un travail parce qu’il y a vraiment besoin de médecins.

En France, il y a des zones appelées les déserts médicaux où ils cherchent des médecins. Souvent les petites mairies sont prêtes à aider à l’installation et à l’accueil.

Passer et réussir les épreuves de vérification des connaissances (EVC) est difficile pour une personne qui n’a jamais travaillé en France. La difficulté ne vient pas de l’apprentissage et des connaissances, mais plus de comprendre comment exercer en tant que médecin en France.

Il faut aussi bien connaitre le système de santé français. Pour préparer au mieux l’examen, je conseille de faire des stages pour se familiariser avec le système français et d’étudier les annales des années précédentes sur le site du CNG.

Après l’obtention de mon autorisation d’exercice, j’ai postulé à près de 36 offres d’emplois et reçu trois réponses positives. J’ai alors déménagé à Rennes pour y exercer en tant que neurochirurgien. Il ne faut pas hésiter à postuler en province pour maximiser ses chances de trouver un poste. Les hôpitaux hors de Paris sont également en demande de médecins et sont prêts à vous accueillir. Vous avez même le droit à un logement.

Aujourd’hui, j’ai obtenu la nationalité française et je continue d’exercer à Rennes.

Ce qui m'a aidé

Les obstacles

Prendre contact avec des associations

Avoir la possibilité de suivre des cours de français 

Échanger avec des réfugi.e.s dans la même situation, et partager notre expérience et nos conseils

Suivre des stages dans le domaine médical afin de se familiariser avec le système de santé français, s’intégrer et préparer les EVC

Le manque de connaissance au niveau de l’Administration 

L’obstacle majeur, c’est la langue

Le manque d’information lors de notre arrivée, sur les procédures, les formations, les droits, etc. 

Ce qui doit changer

La mise en place d’une procédure spécifique pour les réfugiés. 

La création des cours spéciaux : des cours de français et des cours médicaux axés sur les questions éthiques.

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