Un été pour se rencontrer autrement, à l’abbaye de Bellefontaine

Du 1er au 5 juillet 2025, dans le cadre des séjours d’été organisés par JRS, 25 personnes se sont retrouvées à l’abbaye Notre-Dame de Bellefontaine, en plein cœur du Maine-et-Loire.

Parmi elles, 14 personnes exilées venues de 9 pays différents et 11 personnes locales, accompagnées par l’équipe de l’antenne JRS de Nantes composée d’animateurs pour les activités artistiques, d’une bénévole psychiatre et d’une coordinatrice/facilitatrice. Ensemble, ils ont partagé cinq jours de vie collective dans un cadre naturel, à la campagne, habité par une longue histoire d’hospitalité, propice à la rencontre et au ressourcement.

C’est un lieu imprégné d’histoire et de fragilité, essentiel dans une société marquée par des récits trop souvent violents. Ces lieux permettent des échanges riches et authentiques.

Caroline Saint-Bonnet, coordinatrice ce l’antenne

Chaque journée était rythmée par des ateliers artistiques — danse, théâtre-clown, dessin ou modelage — proposés en petits groupes. Ces moments permettaient à chacun d’exprimer son vécu, ses émotions, son imaginaire. L’art, ici, était un langage commun, accessible à toutes et tous, au-delà des langues parlées, des cultures et des parcours. En parallèle, des balades, jeux ou visites (dont celle d’une ferme voisine) venaient enrichir l’expérience. Le matin et le soir, des cercles de parole, des contes, des chants ou des veillées rassemblaient tout le groupe, installant une atmosphère de confiance et de bienveillance.

Au fil des jours, des liens se sont tissés entre personnes exilées et locales. Les échanges autour d’un café, les rires, la joie de cuisiner ou de danser ensemble ont fait naître une véritable fraternité. L’interculturalité s’est vécue pleinement, dans les gestes du quotidien comme dans les moments partagés. Le dernier jour, chacun a mis la main à la pâte pour préparer un grand banquet festif et multiculturel, concocté avec l’aide du cuisinier de l’abbaye. Un repas joyeux, ouvert aux habitants du coin, aux bénévoles et aux amis de passage, pour célébrer la richesse du vivre-ensemble.

Ce séjour est l’un des temps forts de l’année pour l’antenne JRS de Nantes. Deux rencontres sont prévues pour faire revivre ces moments : les 18 octobre et 8 novembre, à l’occasion des 10 ans de l’antenne. L’occasion de visionner le film du séjour, chanter à nouveau, témoigner… et continuer à faire grandir ces graines de rencontre et d’humanité.

J’ai envie de danser dans la nature.
J’ai envie de danser avec toute l’humanité.
J’ai envie d’avoir l’agilité du chamois.
J’ai envie de maîtriser le français.
J’ai envie de revenir ici.
J’ai envie de proposer des lieux de répit.
J’ai envie de me mettre au service des autres.
J’ai envie de participer à un projet pour les exilés.
J’ai envie de croire en la vie.
J’ai envie d’être comme Théophile,  petit garçon de huit mois, spontané, authentique, avec des grands yeux émerveillés.

Témoignage d'un participant au séjour

Je fais témoignage ici de ma « métamorphose » en vivant ce séjour de cinq journées à Bellefontaine, auprès des personnes exilées, des bénévoles et de l’équipe d’animation de JRS, comme si en cheminant d’heure en heure, du matin au soir et du premier jour au cinquième jour, la terre vivante que constitue ce groupe venait me modeler, me transformer.

De ma place de poétesse, faisant partie de l’équipe d’animation, ma « mission » était de prendre note de ce qui se vit, ce que j’appelle « capter des instantanés », « glaner des moments sur le vif », sentir les ambiances, que ce soit en petit groupe, en grand groupe ou dans un échange interpersonnel, cueillir les paroles, les gestes, les attentions, les regards, mais aussi écouter les visages qui s’éclairent, se cherchent, se répondent, tant de moments qui tissent successivement le fil des journées.

D’abord le petit déjeuner, précieux, qui ouvre la journée, le regroupement du matin où l’on recueille la météo intérieure, les ateliers, certains vont « faire » du clown, d’autres « faire » de la danse et d’autres « faire » de la peinture ou du modelage. Tous ces « faire » sont propices à se découvrir, soi et avec les autres, à accomplir et s’accomplir, d’abord un peu timidement puis avec plus de hardiesse et souvent à la fin de la journée avec jubilation.

Les repas de midi et du soir sont des marqueurs essentiels d’un temps de « restauration » et de proximité à table, un moment à la fois nourrissant et solennel qui invite à servir, être servi. Les veillées constituent le point fort, le point « culminant » de la journée, où le dénominateur commun est le partage spontané de petites histoires, de chansons, de blagues, de temps rythmés et aussi de ce qui a été vécu dans la journée, le mouvement intérieur qui s’opère et dont chacun peut faire part au groupe.

  Cette expérience est une étape dans un cheminement plus large, plus vaste, en amont tout ce qui l’a préparée (la rencontre avec la structure JRS, les familles d’accueil et coordinateurs, les ateliers français, la pré-rencontre quinze jours avant le séjour…) et en aval, les fruits du séjour au niveau personnel et relationnel, appelant d’autres initiatives parce que le mouvement ne s’arrête pas là. Je me souviens d’une personne soudanaise qui en atelier modelage a « fait » un bonhomme avec le sourire aux lèvres, tout de même un peu penché qui marche sur un chemin plat, symbole sans doute de sa volonté d’avancer malgré les avaries en intégrant le bénéfice de ce répit créatif.

  Il y eut bien sûr le lieu, l’Abbaye de Bellefontaine pourvoyeuse de nature et de paix, il y eut les moines qui ont été attentifs au bon déroulement du séjour et pour certains ont offert leur présence lors du banquet festif préparé par une équipe « talentueuse », il y eut les propositions et le « style » qu’ont impulsé la coordinatrice de JRS 44, Caroline Saint-Bonnet et l’équipe d’animation et tant d’autres richesses qui ne finissent pas de nous habiter.  

Il serait formidable que de nouveaux séjours de répit puissent être proposés dans le dispositif d’aide aux migrants suite à cette expérience fructueuse et ressourçante pour chacun.

Témoignage d'Isabelle, poétesse et membre de l'équipe d'animation du séjour

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