JRS en Afghanistan : témoignages et récits de terrain
par sandesh gonzalvez, directeur de JRS AFGHANISTAN
HEUREUX QUI...
Un restaurant animé au cœur de la ville de Kaboul, un mariage élégant célébré dans une salle de mariage artistiquement décorée ou un complexe commercial bondé dans la ville d’Herat peuvent attirer de prime abord l’attention du visiteur qui se rendrait en Afghanistan pour la première fois, mais la visite dans un camp de personnes déplacées à l’intérieur du pays (IDP) ou de rapatriés, ou encore dans l’Afghanistan rural, offre un démenti brutal sur le quotidien de la vie de la population afghane.
L’image magnifiée de la vie sociale animée des Afghans que renvoient certains quartiers de Kaboul et d’Herat est en complet contraste avec la réalité vécue par la majorité d’entre eux, notamment ceux qui font l’aumône dans les « poches riches » de ces grandes villes.
La tourmente financière et sociale en Afghanistan a été récemment aggravée par une augmentation des déportations en provenance du Pakistan et de l’Iran. Depuis le 1er avril 2025, plus de 100 000 réfugiés afghans (en majorité des femmes et des enfants) ont été forcés de rentrer d’Iran et du Pakistan, qui s’ajoutent aux 850 000 qui avaient été contraints de rentrer depuis octobre 2024. Plus de 2 millions d’autres sont attendus d’ici la fin 2025 en provenance d’Iran et du Pakistan.
À la suite du décret pris par les Talibans (autorité de fait dans le pays – AdF) en décembre 2022, de sévères restrictions ont été imposées sur la participation des femmes à la vie publique, affectant leur liberté de mouvement et d’éducation, comme leur accès aux soins et à l’emploi.
Nous n’avons pas été autorisés à transporter nos économies de l’autre côté de la frontière, et seule une petite somme d’argent nous a été donnée pour notre voyage vers Herat. J’ai économisé cet argent et j’ai continué à nourrir mes enfants
pendant quelques semaines. Maintenant, il ne reste plus rien et je ne sais pas ce que je vais donner à mes enfants aujourd’hui.
Nazanin
Nazanin, comme des milliers d’autres mères, craint à juste titre que ses enfants ne meurent de faim ou ne soient exposés au long cours à la malnutrition.
L’ADF n’étant pas en mesure de leur apporter une quelconque assistance, les familles comme celle de Nazanin sont exposées à des conditions de vie qui mettent en péril leur sécurité et leur vie, et ce d’autant plus que ces familles ont tendance à être relogées dans des zones fortement sujettes aux catastrophes naturelles.
Les "cercles de compétences"
« Dans notre communauté, s’engager dans une formation et une éducation est considéré comme tabou » ; explique Fardina, l’une des promotrices des Skilling Circles (cercles de compétences), en soulignant les innombrables voix qu’elle a dû ignorer dans sa quête pour développer et valoriser ses compétences.
Elle ajoute : « Un grand nombre de ces voix jusqu’alors inaudibles ont commencé à exprimer leur admiration pour le travail que je fais, et elles sont impatientes de voir leurs filles suivre mes traces ».
La formation professionnelle par le biais de « cercles de compétences » vise à fournir une plateforme aux artisans qualifiés pour qu’ils travaillent ensemble afin de générer des revenus. Soutenu par JRS, ce projet d’entreprise coopérative mobilise plus de 400 femmes des provinces afghanes de Kaboul et Herat. Il permet d’identifier des artisans talentueux et de commencer à les former pour qu’ils passent du statut d’artisan à celui d’entrepreneurs autonomes. Fardina, comme d’autres femmes, s’efforce de combler le fossé entre ces artisans formés et le marché. De nombreux défis doivent être relevés pour permettre à d’autres femmes de la communauté de s’engager dans un processus d’autonomisation.


Les Development community centers de JRS
« Nos vies ont pris une tournure positive avec le Development community center du JRS », déclare Zahra, une jeune fille qui, avec ses 11 frères et sœurs, fréquente le Development community center du JRS. « Nous ne nous concentrons plus sur nos problèmes, mais sur des activités comme les jeux, le dessin et les séances de narration qui nous donnent l’espoir d’un avenir meilleur ».
Dans un pays où les différences culturelles peuvent provoquer des tensions, les centres de développement communautaire animés par JRS organisent des activités pour que les enfants puissent s’amuser et jouer les uns avec les autres, indépendamment de leurs origines ethniques. Ils offrent un espace sûr aux enfants comme Zahra, aux enfants de Nazanin, et d’autres, pour savourer leur enfance, et rester à l’écart de la rue, bâtir du lien et de la cohésion sociale, favoriser la compréhension mutuelle ou encore soulager le stress induit par les défis du déplacement forcé.
Les enfants y reçoivent également les nutriments de base grâce à des rations alimentaires quotidiennes, que les parents ne sont pas en mesure de fournir régulièrement.






“Chacun enseigne à quelqu'un” : le programme EOTS
Initiative phare du JRS sous le nom de « Each One Teach Some-Training Leaders for Tomorrow (EOTS-TLT) », ce programme permet à des jeunes de retrouver du sens, confiance en eux et de développer leurs talents comme en témoigne Gul Jahanme, une jeune bénévole du programme :
de pouvoir participer moi-même à changer positivement la société.
Reconnaissante envers l’accompagnement du JRS qui lui a donné l’opportunité d’apprendre et de faire du bénévolat, elle se souvient :
Le programme EOTS redonne également confiance aux jeunes hommes qui y participent, comme en témoigne Faisal, un volontaire de futsal à Herat :
Il a également contribué à mon développement global et a renforcé ma confiance en moi.
Ces enfants et ces jeunes ont fait un pas en avant vers leur avenir, prêts à tisser des fils d’espoir, de force et de créativité dans la trame de leur vie.
Les fils de leur passé se sont peut-être effilochés, mais ils sont déterminés à recoudre un avenir plus radieux. Alors que la situation dans le monde entier continue de menacer les vies des personnes déplacées, les programmes du JRS accompagnent les jeunes et les personnes vulnérables comme Nazanin, Fardina, Zahra, Gul Jahan et Faizal afin qu’ils puissent s’épanouir et que des opportunités s’ouvrent pour eux.
Leur exemple sont autant de signes de résilience et d’espérance pour beaucoup d’autres personnes qui vivent des situations de désespoir et d’impuissance.


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Nous devrions considérer comme un privilège le fait de pouvoir les aider ; ce qui en retour apportera
de grandes bénédictions sur nous-mêmes et sur notre société.
Message de Pedro Arrupe pour la création du Service jésuite des réfugiés - 14 novembre 1980
Alors que la crise s’aggrave en Afghanistan, ce message du Père Pedro Arrupe S.J., fondateur du Service jésuite des réfugiés, continue de nous guider et d’inspirer notre action. Notre accompagnement des personnes sans défense, dans un service de la Foi et de Justice, reflète véritablement la « contemplation ignatienne dans l’action ». Notre accompagnement en action reflète cette relation de fraternité avec les personnes accompagnées, comme dans la parabole du Bon Samaritain.
En tant que jésuite, nous sommes appelés à collaborer avec les personnes de bonne volonté pour travailler à la réconciliation. Bien que de manière modeste, notre travail parmi les personnes déplacées de force a initié un processus de réconciliation apportant un changement significatif dans la vie des personnes que nous accompagnons. Comme le processus les implique, ils sont donc nos collaborateurs dans la mission de Réconciliation.