WEEK-END WELCOME LERINS 2018

Il est 10h à l’embarcadère du port de Cannes, nous embarquons pour un nouveau weekend d’échange sur l’ile St Honorat de Lérins. Un peu de stress avec les billets, l’inquiétude pour ceux qui sont en retard pour cause de grève de train ou ceux dont le bus a pris du retard. Mais le bateau n’attend pas, ils prendront le suivant.
Le soleil est au rendez-vous, la mer est calme, nos cœurs commencent à se détacher de la terre ferme pour s’ouvrir à l’imprévu de cette rencontre.
L’accueil d’amitié Lérins Fondacio est toujours chaleureux et nous prenons rapidement possession de nos chambres.
Retrouvailles et rencontres animent cette première heure. Il flotte un parfum exotique sur l’ile, ils sont là nos réfugiés avec la diversité de leurs nationalités : burkinabè, guinéenne, iranienne, ivoirienne, nigériane, soudanaise du Darfour, turc du Kurdistan. Les familles sont là aussi, de Nice, de Saint Blaise, de La Colle, de Vence, du Plan de Grasse, de Châteauneuf.
Jean-Philippe nous emmène faire la visite guidée de l’ile. Visite sensible mêlant histoire, vie monastique et spiritualité : 1600 ans de présence, les pieds bien ancrés sur terre entre les ceps et l’âme tendue vers le ciel. Séance photo au sommet de la tour. On y resterait bien
Réflexion de Misagh : tu sais, c’est la 3° fois que je viens sur l’ile, c’est la première fois que je comprends. 14 mois se sont écoulés depuis son premier accueil dans le réseau. Quel beau cadeau !
A notre retour : apéro, programme de la journée et repas. Chacun a apporté quelque chose et il y a des spécialités de nos amis. Au café, 2 moines de l’abbaye viennent nous rejoindre pour quelques échanges. Puis le frère Mateo arrive avec ses sécateurs pour aller travailler dans les vignes. Il s’agit d’émonder les gourmands sur les pieds de vigne. Découverte pour certains, occasion d’échanges et d’explications variées. Alors que les dos commencent à rechigner, Issa prend les choses en main : il reste 2 rangs à faire, on ne va pas laisser ça. Ce qui a été fait est précieux : quelques heures de travail en moins pour les moines ou leurs aides.
Retour au foyer pour un temps d’échange. Familles d’un côté, accueillis de l’autre.
Du côté des demandeurs d’asile, il est question d’apprentissage du français, du droit de travailler, mais aussi de dignité. Dans la rue on perd sa dignité. Le travail nous la redonnera, mais pourquoi attendre ? Alors la joie n’est pas toujours au rendez-vous. On tâche de cacher notre tristesse pour faire honneur à ceux qui nous offrent l’hospitalité. Mais l’hospitalité ce n’est pas facile à accepter. Nous n’avons rien à donner.
Du coté des familles, on est bien organisé et on passe en revue les satisfactions et les difficultés et préoccupations :
Les satisfactions sont nombreuses et tournent quasiment toutes autour du « cadeau » (tiens !) que représente l’accueil :
Nouveau regard sur les migrants. Bouleversement positif de nos habitudes. Sortie de nos espaces de confort. Force de l’organisation du réseau.
Les préoccupations concernent l’apprentissage de la langue. Tiens, tiens !!
La perception des passages à vide des accueillis. Tiens, tiens, tiens !!! Comment les aider avec tact et sans ingérence dans leur intimité. Décidément les préoccupations se rejoignent !
L’attachement : le moment du changement de famille ou de la sortie de Welcome est toujours un arrachement. Il faut beaucoup de travail sur soi pour surmonter la difficulté de ces passages.
La peur de l’échec en sortie de parcours JRS : les familles se sentent associées à la réussite (totale) de la démarche. Accueillir, puis intégrer, puis trouver un logement, du travail… il faut rester prudent et humble; nous ne pouvons pas tout gérer; risque de découragement.
Promouvoir :
Peut-être incomplètement mais cet encouragement du Pape François nous a semblé prendre son sens à travers toutes les questions, les découvertes, les rencontres improbables que l’accueil des demandeurs d’asile provoquent à l’intérieur de nos propres familles et chez nos proches. Ces nouveaux regards qui s’ouvrent, ces relations et discussions qui deviennent possibles portent en eux-mêmes les germes de la promotion.
Préoccupation sur la sortie de welcome. Le retour à la rue serait insupportable. Il faut structurer la sortie. Heureusement, jusqu’à présent des solutions ont toujours été trouvées.
Issa me dira par la suite combien il a été touché par le fait que les familles perçoivent leurs passages à vide.
20h, un petit tour à l’abbaye pour découvrir la prière des moines : complies.
21h, le soleil est couché, le repas a été retardé pour pouvoir le partager avec Ibrahim qui fait le ramadan. La rupture du jeune est festive, alors laissons libre cours à notre joie pendant que certains surveillent sur leur portable la finale de la Ligue des Champions. La soirée se prolonge en échanges informels autour de la table.
4h, Ibrahim se lève discrètement pour prendre son repas et faire sa prière. Non loin de là les moines se préparent aussi à la prière de vigile.
Petit déjeuner pour tous et l’heure de la messe arrive rapidement. Certains n’y vont pas. Les bancs de l’assemblée sont pleins. Silence, on entend au loin la psalmodie des moines qui chantent sexte. Puis la psalmodie se rapproche, les moines arrivent en procession et entrent par la porte principale. Ils sont là pour nous, pour nous ouvrir un coin de ciel pendant 1 heure. Ibrahim, Bailaou, Zoreh ont voulu venir, c’est probablement la première fois qu’ils rentrent dans une église pour une messe. Ils sont accompagnés pendant toute la célébration par les uns ou les autres qui leur expliquent les grandes lignes de ce qui se vit.
A la sortie de la messe, rencontre dans le jardin avec 6 à 8 moines. Partages en petits groupes. Questions sur la vie monastique. Questions et témoignages sur la migration, sur l’hospitalité, le sens de l’accueil.
Et nous voilà de retour autour de la table du déjeuner. Quelques fées ont préparé de magnifiques et excellentes pizzas accompagnées de salades. Vers la fin du repas un chant mélancolique monte du cœur de 2 de nos accueillies iraniennes. Il s’agit d’un lac qui souhaitait rejoindre la mer, mais qui n’y parvenait pas malgré tous ses efforts. Souhaitons que nos réfugiés voient leurs efforts réels couronnés de succès.
Heureusement c’est un chant plus joyeux qui s’élève maintenant avec force claquements de doigts !
14h. On fait la vaisselle, on range les chambres. De grands coups de balais viennent à bout de la poussière. Tout est nettoyé et rangé rapidement.
Une heure de détente en jeux divers et c’est l’heure d’un dernier échange en groupe. Qu’est-ce que j’emporte avec moi de ce WE pour la suite ?
En vrac :
Ces rencontres sont importantes, elles sont rassurantes. C’est essentiel pour la vie du réseau. Cela me ressource.
Je repars avec la couleur du ciel, la joie des enfants, le chant des moines et vos visages.
Je suis encouragé à continuer.
Ça me donne des ailes pour appeler d’autres personnes à cet accueil.
Heureuse que nous vivions ensemble, chrétiens et musulmans.
C’était comme chez moi ici.
Je repars avec le punch pour continuer.
Heureux que nous ayons travaillé ensemble sans différences et sans étiquettes. Ça nous aide à casser notre tristesse.
J’ai échangé avec des moines pour la première fois. Je me suis senti à l’aise parce que tout le monde m’a accepté, malgré le ramadan.
L’unité du groupe, malgré nos différentes origines m’a touché. D’habitude, on sépare. Chacun a essayé de s’occuper de l’autre. Les moines m’ont encouragé à avancer.
Nous sommes une grande famille.
Joie des liens qui se tissent, joie de voir les progrès des uns et des autres en français.
L’accueil m’a fait rencontrer des gens qui ne sont pas de mon cercle habituel. Je repars avec la joie. Je n’ai pas participé aux célébrations, mais j’ai eu à chaque fois l’impression d’être au bon endroit au bon moment. Je veux continuer à accueillir sans avoir de crainte. Prendre ce qui vient comme ça vient.
Heureuse que nous ayons prié ensemble et d’avoir échangé avec les autres demandeurs d’asile.
Le mot dignité. Envie de continuer.
Je repars enrichi de ce qui a été partagé.
On forme une famille, ça me donne envie d’élargir le cercle.
Je repars avec un élan. Je me suis ressourcée spirituellement.
La cohésion du groupe nous porte vers l’avant.
Un mot : fraternité.
Un objectif : c’est ensemble, tous ensembles, demandeurs d’asile, familles, tuteurs, animateurs que nous avançons.
Courage petit lac, on va creuser un canal pour que tu rejoignes la mer !
Agnès, Jean-Philippe, les moines, merci. Simplement merci.
Claude.

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