UN MOMENT AVEC FANNY, BÉNÉVOLE À JRS LIMOGES

Bonjour Fanny, peux-tu te présenter ? 
Bonjour ! Je suis Fanny, bénévole à JRS France, docteur en sociologie et maman de deux enfants. Je suis spécialisée dans le champ de la santé, en particulier sur la question de la consommation de soins.

Peux-tu nous parler de la source de ton engagement auprès des personnes déplacées par force ?
En fait, c’est quand j’ai commencé à m’intéresser au changement climatique que je me suis mise à réfléchir à tout cela. Auparavant, j’avais bien les infos, l’évacuation des campements etc … mais via la question climatique, j’ai tout de suite fait le lien avec les mouvements de population, que tout est corrélé, inter-connecté. 

Dans ma recherche également, j’ai beaucoup d’interrogation autour de la captation des ressources par les pays riches pour le système de soins (par exemple, des plantes que l’on ne trouve pas partout). De fil en aiguille, je me suis rendu compte que puisque tout est lié, si on agit ici, cela peut changer les choses ailleurs. Par exemple, nous pouvons changer nos modes de consommation et tant d’autres choses, et aussi sur le lien. J’ai aussi eu le ressenti qu’il y a de plus en plus de rejets et d’individualisme. Certes la solidarité est présente, mais j’ai l’impression qu’elle n’est pas naturelle, qu’il y a beaucoup de barrières à la solidarité : c’est pourquoi j’ai eu cette envie d’entrer en lien ! 

Quel a été ton premier lien avec JRS Limoges ? 
Habitant Saint Just le Martel, je m’étais investie auprès de la structure d’accueil La Terre en Partage et comme JRS France en était partenaire, j’ai co-organisé avec le programme JRS Jeunes une randonnée, co-guidée avec Karamba qui est guinéen. C’était une bonne manière de le rencontrer, puisqu’on a préparé ensemble le trajet à l’avance, en s’embourbant dans les chemins et en rigolant bien ! J’ai aimé me rendre compte que finalement ça ne m’avait pas coûté. La randonnée, c’est déjà une chose que j’aime faire. 

C’est vrai qu’initialement, ça ne correspondait pas du tout à mes attentes ! Je voulais donner des cours de français, aider dans les démarches mais je n’y connais rien. Et finalement, la randonnée, le côté « loisir », ça me permet de découvrir le milieu d’une manière plus sereine, comme une approche … pour trouver ce que j’avais envie de partager.
A travers les randonnées, je me suis rendue compte que j’avais envie de partager le lien à la terre, à notre territoire, aux plantes, à la nature et à notre environnement. 

Pourquoi le faire spécifiquement avec des personnes déplacées par force ? 
En fait, je me suis surtout dit que les membres de JRS France, en venant d’autres pays, avaient un lien à un autre territoire que le nôtre, une autre nature, bien que ce soit la même Terre. Je me suis imaginée être moi aussi déracinée, arriver dans un espace où les codes sociaux sont différents, l’environnement urbain est différent mais aussi la faune, la flore, tout ce qui entoure. Cela doit être difficile de ne pas trouver de repères dans le réel. Avec les ateliers cueillettes sauvages, on sait ce qu’il faut manger, ne pas manger, on décrypte les plantes, c’est ma manière d’accueillir ! 

 Tu n’as pas l’impression parfois que cela peut paraître déconnecté des besoins dits « primaires » ? 
Si bien sûr, j’y ai souvent pensé. C’est pour cela que je n’étais pas complètement convaincue par la randonnée au démarrage. D’ailleurs, un des participants à la fin de la journée m’avait dit qu’il n’avait jamais autant marché pour rien ! Je me suis sentie bête ! Et en même temps, d’autres ont dit que ça leur avait fait du bien, qu’ils avaient pensé à autre chose pendant la journée. Une sorte de parenthèse : bouger, prendre soin de son corps. Une des premières demandes que m’avait faite Karamba était de lui donner de la crème pour les mains. 
Les besoins sont là aussi, un problème technico-pratique. 

Et puis, je crois que l’on a tous et toutes besoin de ressentir notre environnement. La nature, c’est en quelque sorte la base. On a besoin de sentir, de toucher, d’user nos sens, de sentir les odeurs … de se sentir pleinement vivant

Peux-tu nous raconter un moment d’un atelier « C’est mieux quand c’est gratuit » ?
L’idée de ces ateliers est de proposer de transformer un produit naturel, d’apprendre à le faire ensemble et de pouvoir avoir quelque chose à partager à la fin : de la lessive, des baumes, des tisanes, des conserves … L’atelier de fabrication de lessive au lierre m’a marqué. Le lierre c’est 100% gratuit, donc censé être accessible à tout le monde. Et pourtant ce genre d’ateliers est très à la mode, et finalement pas si accessible. Il y a un intérêt à partager ce genre de savoir-faire, pour fournir un produit utile, en montrant que certaines dépenses sont facilement supprimables.
Outre le fait que ce soit gratuit, c’est aussi tout ce que cela créé autour qui est intéressant. La simplicité et les échanges autour de la fabrication est précieux ! On se réunit, pour faire ça, et au final on se met à parler de tas de choses : c’est un bon prétexte aussi ! 

Et leurs connaissances, comment peuvent-ils ou elles les partager ? 
Nous avons organisé une journée de reconnaissance des plantes sauvages chez moi à la campagne. Chacun pouvait ramasser une plante, une fleur et la présenter aux autres. Bien sur, la plupart ne connaissait pas les plantes limousines, mais ils avaient tous et toutes une histoire à raconter. Zaki, un afghan, a ramassé une mûre en expliquant que chez lui les muriers sont blancs et pas noirs. Il y a une similarité mais ça n’est quand même pas la même chose. Comme la menthe, il y en a dans plein de pays, mais ça n’est pas exactement pareil, on en a tous des usages, des rites différents : du thé au soins pour la gorge… J’aime aller chercher des points communs plutôt que de tout axer sur la différence. Cela permet de ne pas tomber dans l’exotisme, de faire simple… 

Il y a un projet de nouvel atelier : la société des plantes, c’est quoi ? 
L’idée est de discuter autour de pratiques sociales, avec les plantes comme porte d’entrée. J’aimerais inviter les personnes, de tout pays, à parler de leurs pratiques communes autour des ressources naturelles : un thé, une compote. Évoquer des souvenirs et apprendre collectivement de notre fonctionnement. Bintou, qui est guinéenne nous parlait des plantes qui favorisent la lactation et des tisanes qu’elles consomment, Youssouf, du Mali de l’usage de certaines racines etc … Les plantes finalement, c’est le lien dans les sociétés, une occasion de partage. Il y a une sorte de « culture » dans tous les sens du terme autour des plantes, comme par exemple la châtaigne en Limousin. 

Enfin, as-tu un petit conseil pour des personnes qui souhaiteraient s’engager ?
 L’essentiel est d’y aller progressivement et venir avec ce qu’on est. Il ne faut pas se sentir illégitime mais au contraire, faire confiance au fait qu’on apporte ce que l’on peut apporter. Ce que je peux donner je le donne, sans culpabiliser du reste.
J’ajouterai qu’animer des ateliers m’a aussi fait me découvrir moi-même à un endroit où je ne m’y attendais pas ! Partager et faire goûter ce qui vient de mon jardin n’est pas grand-chose mais cela m’a fait beaucoup de bien en terme d’ouverture. Et j’ai trouvé qu’avec le groupe, c’est simple. Quand parfois dans certaines situations, on n’ose pas aller frapper à la porte de son voisin, par crainte du jugement, des enjeux, du regard … à JRS France il n’y a pas ce genre de choses, ni jugement, ni jeu social. C’est simple !

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