L’apprentissage du français : un traitement très succinct, sous le seul angle de la visée professionnelle

La commission d’enquête parlementaire sur “les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d’accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France” a rendu son rapport le 10 novembre 2021. 
Cette commission aborde la question de l’apprentissage linguistique de manière très succincte. Dans le rapport, une seule page y est consacrée pour traiter la question sous le prisme de l’accès à l’emploi :
« L’absence ou la mauvaise maîtrise du français est un obstacle majeur pour l’accès à l’emploi. » L’enjeu, selon le rapport, est de moderniser les formations linguistiques du Contrat d’Intégration Républicaine (CIR), obligatoires dès lors qu’une personne obtient le bénéfice de la protection internationale (statut de réfugié ou protection subsidiaire) afin d’obtenir le niveau A1, mais qui sont en réalité suivies par la moitié seulement des personnes éligibles.

Des perspectives d’évolution du CIR sont envisagées, telles que « travailler à la mise en place de groupes d’apprenants aux profils plus homogènes, une plus grande souplesse face aux ruptures de parcours, et la mise en place de tests de positionnement linguistiques affinés et moins standardisés. » Est recommandée également « la mise en place de parcours de formation linguistique à visée professionnelle au sein du CIR. » 

Une des ambitions également pointée dans le rapport de la commission d’enquête est l’obtention d’un niveau B1 – au lieu d’un niveau A1 aujourd’hui – à l’issue de la formation linguistique du CIR.

Pour JRS France, l’apprentissage de la langue doit être proposé  dès la demande d’asile 

Si l’on ne peut que soutenir ces propositions d’amélioration du CIR, on regrettera le silence du rapport sur une question essentielle, pour nous à JRS France, et que nous avions soulevée lors de notre audition devant cette commission : celle de l’accès à l’apprentissage de la langue dès la demande d’asile (nos proposition détaillées figurent en p 47 et suivantes du rapport “Bien accueillir et mieux intégrer” : accès à l’apprentissage du français dès la demande d’asile : pour une politique unifiée, humaine et efficace).

La perspective de l’apprentissage linguistique ne se résume pas à l’insertion professionnelle même si elle en est une composante majeure dans l’optique d’une intégration réussie. La fin du rapport évoque d’ailleurs le fait que « ces personnes éprouvent avant tout le besoin de se repérer dans notre société et d’en comprendre le fonctionnement, c’est-à-dire d’abord apprendre le français général ». Cette conclusion est valable également pour les personnes en demande d’asile et non pour les seuls réfugiés. 

Dans l’attente de leur statut, les personnes en demande d’asile n’ont – pour la plupart – pas le droit de travailler ou ne le peuvent pas (du fait du régime d’autorisation en vigueur qui rend ineffectif l’accès au marché du travail).  Pendant cette période, qui peut durer plusieurs mois (voire plusieurs années), les personnes ont un besoin et une attente linguistique très forts afin de pouvoir évoluer de façon autonome dans la société d’accueil, se constituer un réseau, . Elles ont du temps, que beaucoup souhaiteraient mettre à profit pour apprendre  la langue – comme en témoignent les listes d’attente de notre école de français qui ne désemplissent pas. 

Parmi les défauts pointés lors des évaluations successives du CIR, figurent en bonne place les ruptures d’apprentissage. Dès lors que les personnes ont obtenu la protection internationale et, de ce fait, la possibilité effective de travailler, l’urgence se situe alors, pour elles, dans la recherche d’un travail et non dans l’apprentissage linguistique. Ceci explique en partie l’absentéisme et le manque de résultats des formations linguistiques du CIR, qui arrive de ce point de vue à contre temps pour beaucoup de réfugiés. En permettant l’accès à l’apprentissage du français dès la demande d’asile, les apprenants peuvent ainsi « prendre de l’avance » sur le niveau qui sera attendu une fois la protection accordée. 

Les objectifs affichés d’acquisition d’un niveau B1 à l’issue du CIR paraîtraient beaucoup plus réalistes si les personnes pouvaient suivre, en amont, des cours des niveaux infra, sachant qu’aujourd’hui « seulement 73,8% des personnes atteignent le niveau A1 ».

Lien vers le rapport rendu par la commission d’enquête
Lien vers la contribution du réseau alpha sur les questions linguistiques des personnes migrantes

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