Décryptage : Circulaire du Ministère de l’Intérieur "Priorités pour 2025 de la politique d’intégration des étrangers primo-arrivants, dont les personnes réfugiées"
Le 30 avril 2025, le Ministère de l’Intérieur a publié une circulaire précisant les grandes orientations de la politique d’intégration des étrangers primo-arrivants, y compris les personnes réfugiées. Ce texte s’inscrit dans le prolongement de la loi « Contrôler l’Immigration, Améliorer l’Intégration » (CIAI) et affiche une volonté de renforcer l’efficacité des dispositifs existants, avec un accent mis sur l’apprentissage du français, l’accès à l’emploi et la citoyenneté.
Si la circulaire affirme une ambition de structuration autour de sept priorités opérationnelles, elle laisse cependant intactes plusieurs failles majeures du système actuel. On note en particulier : l’absence d’une stratégie interministérielle globale, sous l’égide du Premier Ministre ; le recul de l’offre de cours de français en présentiel, déjà largement insuffisante ; l’absence d’ avancée en matière de reconnaissance des qualifications ; l’absence de dispositifs pour favoriser l’autonomie des demandeurs d’asile ainsi qu’un manque d’anticipation, comme celui de la mise en œuvre du Pacte européen sur la migration et l’asile pour 2026.
Sept axes sont prioritaires :
Dans cette circulaire du 30 avril 2025, le Ministère de l’Intérieur présente l’intégration comme une démarche volontaire qu’il convient d’accompagner activement, notamment pour les personnes réfugiées. Cette circulaire vise à donner les moyens de mise en œuvre de la loi « Contrôler l’Immigration, Améliorer l’Intégration » (CIAI), en insistant particulièrement sur l’apprentissage de la langue française, l’accès à la citoyenneté et l’emploi. La réforme implique une meilleure efficacité des dispositifs existants, la généralisation d’initiatives clés telles que le programme AGIR ou les Contrats Territoriaux d’Accueil et d’Intégration (CTAI), ainsi qu’une mobilisation coordonnée des acteurs avec une utilisation optimisée des crédits publics.
1. Pilotage et financement de la politique d’intégration
Un effort important est fait sur la gouvernance, avec la tenue de comités de pilotage régionaux biannuels réunissant l’ensemble des parties prenantes, et la désignation de référents « intégration » dans chaque département. Des rencontres territoriales doivent permettre d’évaluer les dispositifs en place et d’identifier les besoins. La communication autour des réussites locales sera renforcée, notamment à travers la Semaine de l’intégration (6-10 octobre 2025). Les financements sont ciblés : 50 % des crédits devront être consacrés à l’apprentissage du français, et 30 % des bénéficiaires doivent être des primo-arrivants hors BPI. L’évaluation des dépenses et leur contrôle sont renforcés.
2. Maîtrise du français et adhésion aux valeurs républicaines
La maîtrise de la langue devient un prérequis pour obtenir certains titres de séjour : un niveau A2 est requis pour la carte pluriannuelle, et un niveau B1 pour la carte de résident (l’exemption pour les réfugiés n’est pas mentionnée). L’OFII proposera dès juillet 2025 une formation en ligne de 600 heures (hors personnes non-lectrices/scriptrices). Un examen civique deviendra obligatoire pour l’accès à la carte pluriannuelle dès fin 2025. Divers outils pédagogiques sont mobilisés, tels que le MOOC de l’Alliance française et l’application mobile du CIR. Une formation des formateurs est également prévue, de même qu’un appui juridique sur les questions de laïcité.
3. Intégration par l’emploi et mobilisation des entreprises
Un nouveau partenariat État–OFII–France Travail sera mis en place pour coordonner les parcours vers l’emploi. Dès 2026, tous les signataires du CIR seront inscrits automatiquement à France Travail. Les parcours vers l’emploi devront prévoir des modules de formation linguistique à visée professionnelle, des actions de mentorat, des dispositifs d’insertion par l’activité économique (IAE) et un accompagnement spécifique pour les femmes. L’implication des entreprises est encouragée, notamment pour répondre aux tensions sur certains métiers. Une contribution des employeurs à la formation linguistique est instaurée (article 23 de la loi CIAI). Un prix national des entreprises engagées sera organisé avec le HCR. Pour ce qui est de la reconnaissance des qualifications, seule une stratégie d’information via l’ENIC-NARIC est mentionnée et un lien vers le site de la VAE.
4. Programme AGIR
L’objectif est d’accompagner 25 000 bénéficiaires de la protection d’ici fin 2025, au lieu des 40 000 visés au début . En 2024, parmi les BPI accompagnés depuis plus de six mois, 39 % avaient trouvé un emploi et un logement, 44 % une activité professionnelle ou une formation, et 65 % un logement seul. Le pilotage est renforcé au niveau départemental et régional pour améliorer ces résultats.
5. Accès aux droits, santé, protection et mobilité
Des mesures sont prévues pour faciliter l’accès aux droits, en particulier à la carte de résident pour les BPI, même en l’absence de reconstitution de l’état civil. Des actions de sensibilisation sont prévues en lien avec la CAF, la CPAM ou les banques. La santé mentale est prise en compte via l’interprétariat, la formation des professionnels, et la création de nouveaux outils pédagogiques. Des dispositifs spécifiques visent les femmes victimes de violences (fiches, plateformes, projet « Ambassadrices de l’égalité » dans cinq départements). Un recensement des aides à la mobilité est également engagé (auto-écoles solidaires, permis étrangers, etc.).
6. Culture, sport et lien social
Les activités sportives et culturelles sont vues comme vecteurs essentiels de l’intégration. Le service civique Volont’R est relancé avec une meilleure communication. Des appels à projets « langue et culture » sont proposés, et les partenariats avec les musées nationaux renforcés. Des actions locales seront organisées pour faciliter l’inclusion par le sport.
7. Contrats Territoriaux d’Accueil et d’Intégration (CTAI)
Les CTAI doivent être généralisés dans tous les départements, avec un renforcement de leur qualité, notamment par l’intégration obligatoire d’un axe sur la langue. Les collectivités devront cofinancer les actions. Une évaluation de la plus-value des actions mises en œuvre est attendue dès 2024.
Observations et critiques principales :
1. Un manque de coordination interministérielle persistant
La gouvernance de la politique d’intégration reste largement verticale. Contrairement au pilotage de la politique migratoire, qui bénéficie d’un comité interministériel placé sous l’autorité du Premier ministre, aucun dispositif équivalent n’est prévu pour l’intégration. Cette absence d’instance transversale freine la mise en place de parcours d’intégration cohérents, continus et adaptés. Une coordination effective entre ministères – emploi, éducation, santé, logement, enseignement supérieur – est pourtant indispensable, notamment pour garantir la reconnaissance des qualifications et construire des réponses globales aux enjeux de l’intégration.
2. Une offre d’apprentissage du français non adaptée et insuffisante
L’exigence de niveaux linguistiques élevés n’est pas accompagnée d’une offre de formation suffisante, ni adaptée. La généralisation des cours en ligne, au détriment du présentiel, constitue un frein majeur à l’intégration, en privant les personnes exilées d’espaces de rencontre et d’interaction sociale pourtant essentiels. Par ailleurs, conditionner l’obtention d’un titre de séjour à un niveau de français renforce la précarité administrative de ces publics et risque, paradoxalement, de freiner leur intégration plutôt que de la favoriser.
3. Une absence de politique d’autonomisation des demandeurs d’asile
La circulaire ne prévoit aucun renforcement de l’accès des demandeurs d’asile aux cours de français, ni de mesures facilitant leur orientation vers des formations professionnelles et l’accès au travail. Ce choix est regrettable, d’autant que le Pacte européen sur la migration et l’asile prévoit des cours de langue dès le premier jour et encourage explicitement l’autonomisation des demandeurs d’asile. L’exclusion de ces publics des dispositifs d’intégration constitue un manque de cohérence stratégique : elle prolonge inutilement la dépendance, freine l’insertion sociale et professionnelle, et retarde l’intégration potentielle de personnes qui, pour beaucoup, obtiendront une protection à terme.
4. Une reconnaissance des qualifications toujours marginale
Les recommandations de l’OCDE en matière de reconnaissance des qualifications des personnes exilées restent largement ignorées. La circulaire se limite à évoquer, de manière vague, un effort d’information, sans préciser les modalités concrètes de mise en œuvre ni les ressources mobilisées. Aucune mesure n’est prévue pour structurer des dispositifs d’orientation adaptés, développer une offre de formation complémentaire, proposer des parcours progressifs vers l’emploi ou fixer des objectifs chiffrés. L’absence de stratégie globale en la matière constitue un frein majeur à l’insertion professionnelle des primo-arrivants qualifiés et représente une perte de potentiel pour la société d’accueil.
5. Une absence d’anticipation : l’exemple préoccupant de l’accès aux droits
Alors que le Pacte européen sur la migration et l’asile prévoit la délivrance d’un titre de séjour dans un délai de trois mois, la circulaire ne propose aucune mesure concrète pour répondre à cet enjeu. Or, les délais actuels de traitement des demandes, qui dépassent souvent un an, constituent un obstacle majeur à l’exercice effectif des droits. Cette lenteur administrative entraîne des interruptions dans le renouvellement des documents de séjour, avec pour conséquence directe des ruptures de droits sociaux, un accès retardé aux soins, à l’emploi ou au logement, et un sentiment accru de précarité pour les personnes concernées. L’absence d’anticipation sur ce point risque de compromettre la mise en œuvre des engagements européens à venir.
Ressources disponibles :
1. Français : Outils financés par la DIAN
- L’application BonjourBonjour et la cartographie du réseau des Carif-Oref
Pour trouver une formation, l’application BonjourBonjour présente la cartographie des formations dans un format plus facilement accessible au grand public, géolocalisé et disponible en 7 langues (anglais, arable, dari, mandarin, pashto, ukrainien et russe). Bonjourbonjour est disponible sur les stores de Google et Apple et sur www.bonjourbonjour.fr
- Pop Alpha: Professionnalisation et Outils pour les Partenaires de l’intégration
Pop Alpha est un projet visant à développer les compétences des acteurs de l’intégration pour accompagner les personnes pas ou peu scolarisées dans l’apprentissage de la langue française. Une mallette pédagogique et des ressources adaptées à l’apprentissage de la langue pour des adultes pas ou peu scolarisés sont mises à disposition.
- Les MOOC de l’Alliance française
L’Alliance française de Paris Île-de-France a élaboré une collection de MOOC Vivre en France allant du niveau A1 au B1 du CECRL, ainsi qu’un MOOC Vivre et accéder à l’emploi en France cours de français à visée professionnelle pour les personnes d’un niveau A2-B1. Cette plateforme numérique qui propose un accompagnement pédagogique, des outils et des temps de professionnalisation aux intervenants bénévoles et professionnels de l’apprentissage du français auprès des personnes migrantes.
Doc en stock est un projet du réseau des Centres Ressources Illettrisme et Analphabétisme (CRIA). Il propose des ressources pour l’apprentissage du français.
- CAVILAM
CAVILAM propose un cours en ligne pour accompagner les étrangers primo-arrivants dans leur apprentissage du français de 15 à 20 heures destiné aux bénévoles qui accompagnent les étrangers primo-arrivants dans leur apprentissage de la langue.
2. Emploi
L’application Travailler en France de France Travail permet une mise en relations des étrangers primo-arrivants avec les employeurs dans les métiers qui recrutent. Elle est traduite en plusieurs langues et disponible en store public depuis janvier 2025.
3. Accès aux droits
Afin d’améliorer la connaissance des documents provisoires édités par l’ANEF, un support de communication synthétisant les droits associés à chaque type API a été réalisé par la DGEF en octobre 2023. Deux flyers sont disponibles, dont un dédié spécifiquement aux documents provisoires pour les réfugiés.
Des webinaires sur l’accès aux droits des BPI, et plus largement des étrangers primo-arrivants, peuvent être organisés par les DREETS avec l’appui de la DIAN.
À titre d’exemple, la DREETS PACA a entrepris une démarche Lab accès aux droits, pilotée au niveau régional, visant à identifier les difficultés en matière d’accès aux droits par le public étranger et réfugié.
4. Accès aux soins
Le ministère de la santé et le ministère de l’intérieur ont mis à jour, en 2023, un document d’information remis par l’OFII aux étrangers primo-arrivants lors de la signature de leur contrat d’intégration républicaine. Ce feuillet santé a pour objectif d’apporter les premières informations utiles pour l’accès aux soins et la prise en charge des frais de santé. Rédigé en français facile, il est également disponible en version multilingue.