Entretien avec le Père Mark Raper SJ, ancien directeur international de JRS
En juin, l’équipe du Bureau international a accueilli à Rome un membre spécial de la famille JRS : le Père Mark Raper SJ, ancien directeur international du Service Jésuite des Réfugiés, directeur régional du JRS Asie-Pacifique, provincial de la province australienne, président de la Conférence jésuite d’Asie-Pacifique et actuellement au service de la mission jésuite au Myanmar. Une conversation intime avec lui nous rappelle que la mission mondiale du JRS ne repose pas seulement sur le service, mais aussi sur un accompagnement transformateur profond. S’adressant au personnel en personne et en ligne, le père Raper a offert un aperçu personnel et sincère des débuts du JRS et a partagé ses expériences et sa sagesse opportune pour nous aider à continuer à naviguer dans les réalités humanitaires complexes d’aujourd’hui.
Alors que nous célébrons la fête de saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, le 31 juillet, nous nous rappelons que la mission du JRS est profondément enracinée dans son appel à servir « là où le besoin est le plus grand ». À travers les paroles inspirantes et le témoignage du père Mark Raper SJ, nous sommes invités une fois de plus à voir, avec compassion et courage, comment l’accompagnement, le service et l’espoir peuvent transformer des vies. En marchant aux côtés des réfugiés et des personnes déplacées de force, nous perpétuons l’héritage ignatien : une foi qui rend justice, un amour qui accompagne les exclus et une espérance fondée sur un engagement spirituel profond.
Des débuts ancrés dans les relations
Michael Schöpf, SJ, a présenté le père Raper au groupe en rappelant que son parcours au sein du JRS n’avait pas commencé par un entretien dans un bureau, mais par une promenade avec le père Mark dans le Jardin anglais de Munich – une manière tout à fait appropriée pour une jeune organisation née d’un esprit de rencontre, d’amitié et de confiance.
Recruté personnellement par le père Pedro Arrupe SJ, fondateur du JRS, le père Raper a expliqué comment Arrupe considérait la crise des réfugiés comme plus qu’une urgence humanitaire : il s’agissait, selon lui, d’un « Hiroshima de l’esprit », d’une rupture dans la conscience humaine exigeant une réponse radicale et pleine de foi.
« La crise des réfugiés, rappelait le père Raper en reprenant les derniers mots d’Arrupe, ne concerne pas seulement les réfugiés, elle dit quelque chose sur notre monde. »
L’accompagnement : la marque distinctive du JRS
Au début, explique le père Raper, la question n’était pas seulement de savoir ce que ferait le JRS, mais comment il le ferait. Il en est ressorti un engagement simple mais révolutionnaire : être aux côtés des réfugiés. Au fil du temps, cette approche fondamentale a été baptisée « accompagnement », une manière de travailler et d’être qui privilégie la présence, la relation et la dignité mutuelle.
« Être avec les réfugiés, c’est ce que voulaient [les premiers membres du personnel]. C’est cette présence pastorale, pédagogique et spirituelle qui nous a définis dès le début », a-t-il déclaré.
Il se souvient des premières équipes en Asie du Sud-Est qui passaient leurs journées à parcourir les camps de réfugiés, non seulement pour offrir des services, mais aussi pour nouer des amitiés, être témoins de la souffrance et manifester leur solidarité. Il se souvient comment une religieuse qui collaborait avec le JRS a écrit plus tard :
Transformer les structures, pas seulement répondre aux besoins
Le père Raper a souligné que le JRS n’avait pas été créé dans le simple but de devenir une organisation de services plus importante, mais pour influencer la Compagnie de Jésus et, par extension, l’Église et le monde. Il a cité la vision audacieuse du père Arrupe lorsqu’il s’est adressé aux jésuites en Thaïlande en 1981 (connue sous le nom de « Swan Song ») : « Nous ne servons pas parce que cela aura un effet sur nous, mais cela aura un effet sur nous ! Vous serez surpris de voir à quel point cela vous changera. ».
La mission du JRS, a-t-il déclaré, remet en question les idéologies rigides et invite à la collaboration au-delà des frontières politiques, religieuses et culturelles. Dès le début, des personnes d’horizons divers – « John Wayne d’un côté, Mère Teresa de l’autre », comme il le disait en plaisantant – se sont retrouvées à travailler côte à côte dans les camps de réfugiés malgré leurs différences idéologiques. Faisant référence à Sœur Virginia Hasson RSM, une autre collaboratrice pionnière du JRS pendant son mandat, il a partagé ses conseils :
Présence locale, témoignage mondial
Le père Raper a souligné que l’une des plus grandes forces du JRS réside dans son ancrage dans les réalités locales. Que ce soit au Myanmar, en Thaïlande ou en Ouganda, a-t-il déclaré, les équipes du JRS ont toujours travaillé au sein et aux côtés des communautés locales, en tenant compte des nuances culturelles avec humilité, curiosité et hospitalité.
Ses réflexions sur le conflit en cours au Myanmar ont été particulièrement édifiantes. Avec plus de quatre millions de personnes déplacées vivant actuellement dans la jungle et dans des zones très reculées, il a salué le courage de l’équipe du JRS Myanmar, qui se rend dans les zones isolées à moto et par des pistes dans la jungle : « Ils sont courageux, et ils sont là. Cette présence, cette proximité, c’est ce qui fait toute la différence. »
Que dirait le père Arrupe aujourd’hui ?
Lorsqu’on lui a demandé quel conseil donnerait le père Arrupe s’il était parmi nous aujourd’hui, le père Raper a marqué une pause. « Il serait ravi », a-t-il répondu, de voir la diversité, le dévouement et la profondeur du personnel actuel du JRS, ainsi que son engagement sans faille.
Mais il nous rappellerait également que notre travail ne peut pas reposer uniquement sur des solutions techniques. Dans un monde marqué par la guerre, les déplacements forcés et les catastrophes environnementales, nous avons besoin de créativité et de profondeur intérieure.
La racine spirituelle de l’endurance
Lors d’un échange particulièrement émouvant, un membre du personnel a demandé comment nous pouvions continuer à servir des régions qui ont enduré 10, 20, voire 30 ans de conflit, et comment nous pouvions garder espoir.
Le père Raper a répondu avec douceur : « Le monde qui nous entoure serait désolé s’il n’y avait pas le monde intérieur. ». Il a souligné que l’accompagnement à long terme nécessite non seulement de la résilience, mais aussi un ancrage spirituel profond. Le JRS, a-t-il déclaré, doit toujours rechercher des donateurs et des partenaires qui partagent non seulement nos objectifs, mais aussi nos valeurs, qui accompagnent les réfugiés non pas pour faire la une des journaux, mais par amour.
Un dernier mot : l’amitié
Le père Raper revenait sans cesse sur un thème : l’amitié. L’amitié entre collègues. L’amitié avec les réfugiés. L’amitié comme visage humain de l’accompagnement. Dans un monde fragmenté et polarisé, disait-il, l’amitié est en soi un acte radical et réparateur.

Alors que nous poursuivons notre voyage
La visite du père Raper n’était pas seulement une réflexion sur le passé, mais un appel à continuer à façonner un avenir enraciné dans la présence, la foi et l’amour. En tant que membres du personnel du JRS dans 58 pays, nous ne nous contentons pas de perpétuer un héritage, mais nous poursuivons une mission vivante qui, par notre présence, rappelle au monde qu’une autre voie est possible, en gardant à l’esprit que notre travail pour la justice et avec les réfugiés rassemble les gens.
Continuons donc à avancer, ensemble.