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Un courage et une force insoupçonnables

La plupart des demandeurs d’asile que j’ai accompagné venaient d’Afghanistan ou d’Afrique. Au début, je dois avouer que mon rôle en tant que tuteur n’était pas complètement clair ni pour moi ni pour eux. Etais-je censé être un ami ? Un assistant social ? Un prof de français ? Je me rendais compte que les demandeurs d’asile eux-mêmes avaient un peu de mal à cerner qui j’étais, car le peu des contacts qu’ils avaient eus avec la société française avaient été « fonctionnels » : on parle avec l’assistant social pour avoir un logement, avec un enseignant pour apprendre la langue, avec un fonctionnaire pour avoir le permis de séjour. Ces rencontres hebdomadaires avec quelqu’un qui ne demandait rien et ne promettait rien non plus, quel sens pouvaient -elles avoir ? Et c’est ce sens que nous avons découvert ensemble au fil des rencontres, ce côté gratuit qui, selon moi, rend le tutorat JRS si riche.

Bien évidemment, il m’est arrivé d’aider quelqu’un avec ses devoirs de français. Avec d’autres, je suis allée au vestiaire d’Emmaüs. A d’autres, j’ai indiqué le dispensaire de colis alimentaires le plus proche. Mais la plupart du temps, nos rencontres étaient sous le signe de la fraternité. En se promenant dans Paris, en visitant tel ou tel musée, et en prenant un café au bistrot, un lien de confiance s’établissait au fil des semaines. Certes, les demandeurs d’asile restent conscients du fait que la rencontre avec le tuteur fait partie des engagements qu’ils prennent avant d’être accueillis dans le réseau Welcome, mais le fait d’être traité comme une personne et non pas comme un problème ou bien une statistique les touchait.

De mon côté, j’ai appris progressivement à vivre avec sérénité cette apparente inutilité. Même si je ne cache pas une certaine frustration à entendre des histoires pénibles sans avoir la possibilité de changer quoi que ce soit, j’ai pu constater qu’apporter une oreille attentive à leurs souffrances et à leurs difficultés est déjà en soi une aide précieuse.

Par rapport aux familles, pour lesquelles le tuteur est censé être un lien complémentaire avec le demandeur d’asile et jouer un rôle de médiateur en cas de soucis, j’ai constaté la chose suivante : les demandeurs d’asile étaient toujours très reconnaissants envers qui leur ouvrait la porte en connaissant si peu de leur parcours et de leur pays. Ils découvraient, petit à petit, la culture et les habitudes françaises, sans parler des progrès en français qu’ils pouvaient faire grâce à un cadre de vie plus tranquille et aux échanges avec les membres de la famille. Du côté des familles, je fus toujours étonné par la confiance et l’ouverture qu’elles montraient envers ces invités. Dans une culture où, malheureusement, l’étranger n’a pas toujours bonne presse, cet accueil est pour moi un vrai signe d’espérance. J’ai aussi remarqué combien les familles appréciaient de pouvoir échanger sur leurs découvertes et leurs craintes avec quelqu’un qui connaissait déjà le jeune qu’elles hébergeaient.

da45082e-60da-11e0-920f-0daff7c893a1Je me sens aujourd’hui très enrichi par cette expérience. Certes, les questions et les situations un peu difficiles n’ont pas manqué et dans ce cas-là, le fait de pouvoir toujours me tourner vers Isabella pour demander conseil m’a beaucoup rassuré. Mais au-delà de ces difficultés structurelles, le tutorat a été pour moi un lieu où j’ai découvert une générosité et un courage insoupçonnables, à la fois chez les demandeurs d’asile et chez les familles d’accueil. Et pour cet exemple d’humanité, ils et elles méritent tout mon respect et ma gratitude.

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