Nous sommes heureux de publier ce bel article de Marie-Bernadette NOËL avec son autorisation et celle de la revue Vie Chrétienne où il est paru en janvier 2011.
Il est là accroupi dans la cuisine en train de préparer ses pommes de terre, par terre, comme chez lui, au fin fond de la campagne afghane.
« Soir madame ! passé bonne journée ? » Son accueil et son sourire me réchauffent le cœur et ce soir, ce n’est pas du luxe : la journée était « pourrie » comme cela nous arrive à tous de temps en temps. Alors cet accueil me ragaillardit et j’apprécie l’humour du ciel qui m’envoie un clin d’œil du sol de ma cuisine.
Deux heures plus tard, c’est lui qui m’invitera à déguster son plat, tellement fier et heureux de pouvoir offrir à son tour et, comme il me l’expliquera, tellement heureux ce soir de ne pas aller faire la queue dans le froid, se battre pour garder sa place dans la file, tout cela pour seulement obtenir son repas du soir.
Depuis un an, je fais partie du réseau Welcome de JRS France (Jesuits Refugees Service ; en français : Service jésuites des réfugiés) c’est-à-dire que j’accepte de recevoir chez moi pour une durée convenue qui n’excède pas six semaines, des demandeurs d’asile.
De fait j’avais une chambre libre dans l’appartement. Mes enfants ayant quitté la maison, la chambre servait aux amis et famille de passage et à mes petits enfants. Elle était, malgré tout, souvent disponible.
Je connaissais le JRS, je connaissais bien les problèmes de logement à Paris pour les étrangers, demandeurs d’asile ou autres. Je voyais, comme tout un chacun, de plus en plus de monde errant dans les rues et dans le métro, mais que faire ? Je n’étais pas chargée de résoudre les problèmes sociaux du monde , chacun son job ,ce n’était pas le mien !
Sauf que, j’étais sur le chemin de l’engagement dans la CVX et l’Évangile commençait à m’attaquer sérieusement autrement que par l’intellect ; les Principes généraux1 de la CVX aussi me travaillaient au corps. Et tout d’un coup le fait d’être baptisée devenait autre chose qu’une convention sociale due à mon origine.
Il était temps de passer à l’acte et de mettre en œuvre cette invitation de plus en plus pressante de vivre concrètement l’accueil de l’autre chez moi, dans ma maison. Me revenaient souvent ces paroles : « J’étais étranger et vous m’avez recueilli », « Il me faut aujourd’hui demeurer chez toi », « Qu’as-tu fait de ton frère ? » ; et le paragraphe 4 des Principes généraux : « besoin urgent de travailler pour le justice », « option préférentielle pour les pauvres ».
Jusqu’à présent je m’en sortais en disant que dans mon travail de journaliste, je faisais le maximum pour donner la parole aux plus pauvres et pour dénoncer les situations d’injustice .Mais retraitée, plus d’abri ! Il me fallait agir en direct et le fruit était mûr, c’était le moment de le goûter. Je me suis donc lancée dans cette aventure non sans avoir consulté mes enfants qui ont accueilli cette proposition en m’encourageant.
Depuis, ce sont de jeunes Afghans qui viennent séjourner chez moi, je découvre petit à petit, au cours de nos échanges, la réalité de ce pays, l’horreur de la guerre et de l’exil forcé, le parcours cruel et dur de la demande d’asile. Je partage l’angoisse de l’attente d’une réponse administrative qui décidera de votre vie. Je vois l’humiliation de devoir tendre la main pour pouvoir se nourrir, se vêtir, se réchauffer, se soigner. Quels combats ! tout est combat !
Mais je découvre aussi la joie de recevoir, de se dire qu’au moins pour quelques temps l’autre n’aura ni faim, ni froid. Je découvre la grâce du sourire qu’ils ont large et généreux et qui m’accueille chaque soir. Je découvre petit à petit une autre culture, la réalité d’un autre pays. J ‘admire chez la plupart, le sens de l’honneur et de l’honnêteté. J’admire leur courage et leur espérance au-delà de toute espérance, leur foi en la vie.
Que de cadeaux à partager , que de leçons qui ne s’apprennent pas dans les livres. Tout vient à moi et je suis invitée à déguster ce fruit de la rencontre, fruit mûr au bon goût et qui, en plus , pousse chez moi, dans ma maison ! Voilà bien de quoi rendre grâce, n’est ce pas ?
Si vous souhaitez rejoindre le Réseau Welcome,
prenez contact avec Isabella Moulet – 06 81 059 222.