Dans le cadre du Forum Social Mondial, qui se déroule cette année au Sénégal, le Secours Catholique a organisé le mardi 8 février une journée de témoignages et de partage sur le thème : Migrations, une autre politique est possible. Plus de 200 personnes s’y sont succédées au cours de la journée, acteurs dans le domaine de l’asile et de l’immigration, dont une bonne centaine étaient des personnes migrantes. Isabella Moulet, responsable de Welcome, a participé à la rencontre pour JRS France et nous en donne quelques échos.
Migrations, une autre politique est possible. Justement : une autre. Plus humaine, plus respectueuse de la dignité de la personne, plus cohérente avec le discours que les autorités françaises tiennent à l’étranger et auprès des instances internationales, plus consciente des moyens réels dont notre pays dispose et du gâchis de temps, d’hommes et d’argent qu’engendre l’attitude peu visionnaire et à court terme des hommes politiques actuels – tous partis confondus -.
Dans ce contexte, Jrs France a été invité à témoigner d’une façon d’accueillir plus fraternelle, dans le cadre du Réseau Welcome, et de l’expérience riche et forte que vivent les familles et les jeunes demandeurs qui partagent leur quotidien pendant quelques mois.
Un repas aux saveurs du monde dans l’atmosphère conviviale et informelle de la salle des mariages de la Mairie du Xème. Puis, des prises de parole, des échanges, des moments de réflexion en petits ateliers se sont succédés jusqu’à la fête de clôture.
Quelques remarques sont à retenir, jaillies spontanément lors des conversations qui se sont engagées autour des tables :
la frustration d’un fonctionnaire de préfecture, qui nous déclare que bien de ses collègues en ont assez de se trouver impuissants face à des situations de plus en plus pénibles et inextricables. De voir se multiplier les zones de non-droit, de constater comment les règlements et les recommandations aboutissent de plus en plus souvent à la création de situations impossibles. Inadmissibles dans une démocratie qui se doit de porter attention au plus faible et de le mettre à l’abri de toute violence, physique et morale. Rappelons-nous que les juges de la CNDA et les agents de l’OFPRA ont aussi récemment réclamé des conditions de travail qui leur permettent de respecter l’humanité des personnes sur le sort desquelles ils sont amenés à se prononcer ;
l’émotion d’une jeune fille victime de violences conjugales qui se reconnaît en la dame qui risque l’expulsion suite à une tentative de déposition de plainte au commissariat, ou de celle qui a perdu d’abord son permis de travail, ensuite la possibilité de rester en France suite au divorce d’avec son mari ;
la tristesse de tant de migrants qui constatent comment, les temps étant difficiles pour tout le monde, leurs communautés deviennent de moins en moins solidaires : tout s’y monnaie, attestations d’hébergement, usage du téléphone, adresses utiles, et chaque réussite, même minime, suscite rancune et jalousie ;
l’inquiétude des associations devant l’attitude de plus en plus fermées des autorités, de moins en moins confiante des personnes accueillies ;
mais aussi la résilience de tant d’hommes et de femmes qui espèrent contre tout, et dont la créativité est stimulée par l’obligation de trouver chaque jour des nouvelles solutions, de s’inventer en permanence de nouvelles façons de vivre. Nécessité qui aiguise le génie.
En repartant de ce genre de rencontre je me fais toujours la même réflexion : l’Homme s’habitue à tout, et c’est ainsi qu’il se fait avoir. Car ils sont peu ceux qui gardent intacte la capacité de s’indigner. De façon constructive, j’entends. Car savoir s’indigner signifie savoir identifier ce qui est contraire à la dignité et agir pour y remédier.
Heureux les cœurs purs, ceux qui ont ce courage, car ce sont eux qui ont vu, qui verront, Dieu.