Ce petit livre paru en septembre 2009 aux Editions Desclée de Brouwer est la traduction française (par Jean-Marie Carrière et Janine Brunhes) d’un ouvrage publié par Centro Astalli, JRS Italie. Il offre une dizaine de récits de réfugiés en Italie (comme, par exemple « Mais où se trouve le Soudan ? » plus bas dans cette page).
Les histoires que contient ce livre ont été racontées par des personnes qui s’efforcent encore de trouver un équilibre, un compromis existentiel, une identité sinon nouvelle, à tout le moins renouvelée.
Ce sont des personnes qui ont beaucoup voyagé, et qui, pendant des années, continuent à cheminer laborieusement, depuis leur arrivée en Italie, pour acquérir des droits que nous ne donnons que chichement. Ce sont des histoires pleines de douleurs, et parfois de rage, que chaque personne exprime avec des nuances propres. Les rassembler et les écrire dans un livre n’a pas été facile.
Les pages de ce livre sont le fruit de nombreuses rencontres, parfois émouvantes et riches, parfois difficiles et chargées d’embarras. La plus grande partie des personnes qui ont accepté de partager leur expérience de vie n’auraient sans doute pas été prêtes pour une interview selon les règles. Nous avons donc procédé par essais, cherchant à respecter les tempos, les exigences et les modalités que nous suggéraient, implicitement ou explicitement, les protagonistes de ces histoires.
Les réfugiés sont très souvent contraints de raconter leur histoire : devant la commission qui doit décider de leur demande d’asile, et, avant cela, aux médecins qui doivent certifier les mauvais traitements qu’ils ont subis, les travailleurs juridiques ou sociaux des services d’accueil. Pendant les longs mois d’attente de l’entretien devant la commission, leur expérience dramatique propre devient « l’histoire habituelle », un cas parmi tant d’autres, une suite de faits. Nous avons rapidement compris qu’il importait de sortir de ces rails bureaucratiques, et de revenir à un dialogue entre des personnes. Les récits proviennent des moments passés devant un capuccino dans un bar, ou dans un train, ou dans les rues, ou en commentant les objets d’une vitrine de magasin, ou dans la cuisine d’une maison louée difficilement. Elles sont surtout le fruit d’une relation d’amitié et de confiance, le fruit d’une rencontre avec des personnes qui ont beaucoup à dire à la société qui les accueille, parfois avec indifférence ou suspicion.
La fraternité est une réalité paradoxale, une réalité à construire aux lieux mêmes où pourraient nous dominer les tentations du repli, de la fermeture ou du rejet. Avec les réfugiés, c’est d’une fraternité à dimension universelle – non point abstraite, mais patiemment construite dans le réel de l’accueil – qu’il s’agit. Ce que nous sommes invités à vivre avec les réfugiés, c’est certes d’assurer une protection et une sécurité à des personnes menacées, c’est certes aussi tenter de subvenir à des besoins et de faire respecter des droits ; mais c’est surtout, semble-t-il, accompagner et se mettre au service d’un projet, entendre la dynamique d’une existence au travers des mots qui la racontent ; bref, c’est accueillir la promesse qui se cache dans le parcours d’un réfugié : « ta vie a un avenir ».