Celui qui va à l’autre rive

 

Vers les années 1990, certains citoyens des pays d’Afrique Sub-saharienne tentèrent de s’emparer du pouvoir par la force, parce qu’ils estimaient être lésés dans la redistribution des revenus des ressources naturelles, qui proviennent pourtant de leur région. Leur tentative de coup d’État ayant échoué, une forte répression s’abattit sur la région entraînant la mort et l’exil de plusieurs personnes.

Après de nombreuses années de souffrances, de réflexions et de négociations, de nombreux réfugiés retournèrent dans leur pays, où ils reçurent un bon accueil. De fait, il y eut en leur honneur de nombreuses célébrations et certains furent inviter à participer au gouvernement d’union nationale, ils n’ont pas seulement retrouvé leur pays et les membres de leur parenté, mais plus encore ils les redécouvraient sous un jour nouveau transfigurés sur une terre nouvelle, des cieux nouveau avec un cœur nouveau. Par contre, ceux qui ne pouvaient pardonner restèrent en exil hors de leur pays comme des apatrides.

L’équation pardon-réconciliation n’est pas un processus à sens unique. Il est plutôt basé sur une réciprocité, un processus dans l’espace et dans le temps. Pour éviter les cycles récurrents des violences et des vengeances, il faut réaliser combien les exilés souffrent et ressentent leur défaite comme une humiliation dont ils ne pourraient se délivrer que dans une justice de revanche.

En même temps, les vainqueurs quoique parfois hautains, isolants, prétentieux et provocateurs, vivent cependant et toujours dans la peur du vaincu. Les fantômes d’une éventuelle revanche des exilés hantent le repos des vainqueurs et les transforment en veilleurs intraitables vis-à-vis de tout soupçon concernant le relèvement des vaincus ou le retour des exilés.

Comment aider les vaincus humiliés à aimer et à se réconcilier avec eux-mêmes ? Comment leur proposer une alternative s’ils ne se pardonnent pas de ne pouvoir restaurer leur dignité par une autre voie que celle de la revanche ?

Comment aider les vainqueurs insolents à aimer et à se réconcilier avec eux-mêmes ? Comment leur proposer une issue s’ils ne pourraient se pardonner de n’avoir pas été assez vigilants pour conserver la suprématie de la victoire acquise?

Une guérison intérieure des uns et des autres est la seule graine de moutarde susceptible de grandir en pardon, réconciliation et en un avenir meilleur dans la fraternité universelle des enfants de Dieu.

Lisons l’histoire de l’enfant prodigue en Luc 15 (le retour de l’exil) et demandons la grâce de la reconnaissance du péché et du pardon dans nos vies. Regardez le pardon surprenant du père au lieu du châtiment. La pitié du père est une compassion qui pardonne. Il en résulte la résurrection et la réhabilitation du fils: le pardon comme passage de la mort à la vie, de l’esclavage à la liberté, de la maladie mentale à la santé mentale.

Kapitula Nzanzu SJ

Directeur Régional

JRS Afrique de l’Ouest

Retour en haut