Un accès aux formations immédiat et un droit au travail effectif pour les demandeurs d’asile

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 L’accès à la formation professionnelle

dès le début de la demande d’asile

La directive européenne Accueil prévoit dans son article 16 que « Les Etats membres peuvent autoriser l’accès des demandeurs à la formation professionnelle que ceux-ci aient ou non accès au marché du travail ». Indépendamment du droit au travail qui intervient au bout de neuf mois, les demandeurs d’asile doivent pouvoir avoir accès aux formations professionnelles.

En effet, de cette formation dépend:

Laccompagnement vers l’autonomie dans la vie sociale des demandeurs d’asile selon les recommandations de l’ANESM

(Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des établissements et Services sociaux et Médico-sociaux).

Cet accompagnement vers l’autonomie a un double intérêt : diminuer les coûts mais aussi renforcer la dignité des personnes fortement éprouvées.

La mise en place de la formation linguistique de façon institutionnalisée peut être effective en avançant les dépenses au titre du CAI (Contrat Accueil Intégration) et en mobilisant l’ensemble des acteurs existant dans le secteur public et privé. Le Ministère de la Culture a lancé son programme « Vivre ensemble » pour rendre accessible la culture aux personnes les plus défavorisées. On pourrait s’en inspirer pour l’apprentissage de la langue française : les différentes institutions (Universités, bibliothèques, écoles de langues, etc.) pourraient être invitées à participer pour rendre accessible l’apprentissage du français aux demandeurs d’asile.

Les demandeurs d’asile devenant plus autonomes, seront d’avantage capables d’accomplir leurs démarches seuls et on devra avoir moins recours aux interprètes.

La qualité de l’accompagnement a beaucoup à gagner. Les personnes accompagnées peuvent reprendre confiance en soi, et éviter que leur situation de santé mentale et physique ne se dégrade quand ils ont subi de graves traumatismes.

L’intégration des réfugiés

La formation professionnelle (qui inclut la formation linguistique) dès le début de la demande d’asile permet un accès plus rapide au travail et diminue ainsi le coût des allocations. Les prestations sociales versées pour le chômage peuvent être investies plus utilement au titre de la formation en amont. Des expériences réussies en témoignent comme par exemple l’accueil de réfugiés kosovars lors de la guerre de 1999. Accompagnés dans l’apprentissage du français et dans leur formation professionnelle, ils ont en grande majorité trouvé un travail dans de très courts délais comme en témoignent les associations qui les ont suivis.

L’accompagnement au retour des déboutés : une autre recommandation de l’ANESM.

Le but de la formation professionnelle est bien l’accompagnement vers l’autonomie. Il est faux de dire qu’en neuf mois les personnes vont pouvoir être intégrées et donc plus difficiles à expulser. Bien au contraire, un accompagnement vers l’autonomie réussi doit augmenter les chances d’un projet de retour réussi. Comment envisager un accompagnement personnalisé vers le retour des demandeurs d’asile quand on ne peut même pas communiquer avec eux ? Et quand le problème de langue ne se présente pas, un avenir est plus envisageable dans le pays d’origine quand la personne a pu se reconstruire et développer des aptitudes professionnelles. Les jeunes demandeurs d’asile pourraient ainsi éviter l’oisiveté et la passivité et utiliser le temps dont ils disposent pour acquérir des compétences qui leur permettraient d’avoir de meilleures perspectives économiques dans l’avenir.


 Un droit au travail effectif

Une accumulation de conditions (autorisation préalable, opposabilité de la situation de l’emploi, auxquelles s’ajoutent les restrictions des professions réglementées, les discriminations à l’emploi, les difficultés linguistiques, et le manque de reconnaissance des acquis d’expérience et de niveau des diplômes) rend pratiquement inapplicable le droit au travail, pourtant établi par la loi asile au bout de neuf mois de la demande d’asile.

C’est une situation contraire à la Directive Européenne

En effet, la Directive Européenne Accueil exige, dans son article 15.2, un droit au travail effectif : « Les Etats membres décident dans quelles conditions l’accès au marché du travail est octroyé au demandeur, conformément à leur droit national, tout en garantissant que les demandeurs ont un accès effectif à ce marché. »

  • La proposition de directive du Parlement Européen du 3 décembre 2008 recommandait un accès au marché de l’emploi dans un délai de six mois au plus tard et en contraignant les états membres à ne pas restreindre l’accès par l’imposition de conditions au niveau national. La position commune a été finalement plus limitative, mais, comme le montre bien la communication de la Commission au Parlement Européen (2008/0244), l’obligation selon laquelle « les Etats membres doivent s’assurer que, si des conditions d’accès à l’emploi peuvent être imposées, elles ne doivent pas, dans la pratique, être limitatives au point d’entraver concrètement l’accès à l’emploi », est strictement maintenue.
  • Pour qu’il soit effectif, on doit non seulement rendre le droit au travail automatique (sans demande d’autorisation préalable car celle-ci établit en fait une interdiction à travailler de principe) mais aussi reconnaître le droit à la formation professionnelle dès le début de la demande d’asile.

C’est une situation contraire aux droits de l’homme, le droit au travail étant un droit fondamental reconnu, entre autres, par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Charte Sociale Européenne.

C’est une mauvaise classification juridique. En effet, placer les demandeurs d’asile dans la catégorie « travailleurs étrangers », n’est pas juridiquement valable. S’il est logique que, pour autoriser les travailleurs étrangers à venir s’installer en France pour travailler, il faille exiger un contrat ou une promesse d’embauche préalable, plus des droits à payer de la part de l’employeur, ce ne l’est pas pour les demandeurs d’asile. Les demandeurs d’asile sont déjà en France, et ils sont venus pour demander une protection. En attendant que leur demande soit jugée, ils doivent pouvoir vivre dignement. Ils relèvent donc d’avantage d’une autre catégorie d’étrangers installés provisoirement en France, comme celle des étudiants étrangers, et devraient donc pouvoir bénéficier d’un droit au travail sans demande d’autorisation préalable.

C’est une perte économique: travail au noir et assistanat deviennent les seules possibilités.

C’est une ségrégation sociale qui rompt le principe d’égalité et rend ensuite plus difficile l’intégration. Dans un rapport récent du 17 février 2015, le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe souligne: « un inquiétant effritement de la cohésion sociale et du principe d’égalité » et le « recul de la tolérance » en France auxquels il est urgent de pouvoir remédier.

Des conséquences négatives : un échec à court terme du « Schéma d’hébergement directif » qui est la « mesure phare » de la réforme.

Si le gouvernement veut réussir l’enjeu d’une véritable répartition nationale, il faut prendre les mesures d’un accompagnement vers l’autonomie et dans la dignité, dans les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile. C’est pourquoi la possibilité de formation immédiate, et d’un droit au travail effectif au bout de neuf mois, doit être considérée comme un des points centraux de cette réforme. Ce n’est qu’en pouvant se rebâtir dans un lieu qu’on pourra y demeurer, ou repartir s’il faut quitter le territoire, mais repartir avec des compétences. L’expérience montre qu’une fois déboutés ou reconnus réfugiés, et même lorsqu’ils sont encore demandeurs d’asile, ils finissent par revenir vers les grandes agglomérations et particulièrement en Île de France. C’est là qu’ils vont chercher à retrouver l’appui de leurs communautés, car ils n’ont pas pu explorer les possibilités de développement dans les régions où ils ont été envoyés. En effet, maintenus dans une véritable « quarantaine sociale », non seulement ils ne peuvent pas véritablement « habiter » les lieux où ils sont obligés de rester, mais en plus leur qualité d’assistés, et le fait de ne pas pouvoir cohabiter ni avoir des échanges économiques et sociaux avec le reste de la population, les fait rejeter par l’opinion publique alentour. Ils vont donc de nouveau partir, engorger les hébergements d’urgence, et la question de saturation des dispositifs d’hébergement, tout comme celle des coûts excessifs des recours à l’hôtel, se posera avec encore plus d’acuité.

En accompagnant les demandeurs d’asile vers l’autonomie dès le début de la demande, non seulement on réduit la ségrégation sociale, mais aussi on diminue le poids économique de l’accueil de ces personnes qui, au contraire, pourront être source de richesses dans les régions où ils seront envoyés.

Pour plus d’informations : Travail et formation pour les demandeurs d’asile

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